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Dessalines

L’assassinat de Jean Jacques Dessalines ; la mort d’un homme, la chute d’une nation.

Societe

L’assassinat de Jean Jacques Dessalines ; la mort d’un homme, la chute d’une nation.

Par le Dr Jean Gardy MARIUS,
coordinateur général du Réseau Citoyen Haïti à l’Unisson (RECHAU)

En Haïti, l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le 17 octobre 1806, n’a pas seulement clos une vie, il a inauguré une tragédie politique. Deux siècles plus tard, la trahison du père fondateur reste la métaphore d’un pays en quête de conscience et de cohérence.

17 octobre 1806, une lumière éteinte par les siens

Le 17 octobre 1806, à Pont-Rouge, le premier empereur noir du monde moderne, Jean-Jacques Dessalines, tombait sous les balles de ses anciens compagnons d’armes. Ce jour-là, Haïti ne perdit pas seulement un chef. Elle perdit son âme, son idéal et sa direction. Le peuple qui avait osé vaincre l’esclavage commit son premier reniement en supprimant celui qui incarnait la discipline, la justice et la souveraineté. L’histoire retiendra que la nation la plus courageuse du monde a commencé sa chute le jour où elle a assassiné sa propre conscience.

Quand la trahison tua la liberté

L’assassinat de Dessalines, le crime fondateur qui fut le péché originel de la nation haïtienne. En éliminant celui qui imposait l’ordre et l’exemplarité, les élites d’alors ont ouvert la voie à trois maux persistants : la division comme système politique, la trahison comme stratégie de survie et l’ambition personnelle au-dessus du bien commun.

La jeune république issue du courage devint un pays gouverné par la peur et la méfiance. Ce basculement fondateur explique, encore aujourd’hui, la fragilité de l’État et la défiance du peuple envers ses dirigeants. Car, « celui qui trahit la justice pour le pouvoir finit toujours par trahir son pays ».

De la République de la liberté à la République de la peur

Après Pont-Rouge, l’unité rêvée s’effondra. Le Nord s’opposa au Sud, Christophe affronta Pétion, et la guerre de libération se transforma en guerre de clans. Cette fracture interne facilita l’isolement d’Haïti par les puissances étrangères. Le pays, qui devait incarner la lumière de la liberté, devint une île punie pour avoir voulu être libre.

Depuis, la politique haïtienne semble se répéter. Promesses rompues, institutions fragiles, et mémoire collective affaiblie. La liberté conquise dans le sang fut remplacée par la peur, l’opportunisme et la désillusion.

La révolution mondiale Dessalinienne, le flambeau trahi

Pourtant, la révolution haïtienne a bouleversé le monde. Elle inspira toutes les luttes d’indépendance du continent américain. Lorsque Simón Bolívar chercha refuge, c’est à Haïti qu’il vint, en 1815. Le président Alexandre Pétion lui offrit armes et soutien à l’unique condition que : “ Partout où tu passeras, tu aboliras l’esclavage. “ Ce geste fit d’Haïti le berceau moral de la liberté universelle. Mais lorsque la flamme de Dessalines s’éteignit à Pont-Rouge, la nation perdit son rôle moteur. De modèle, elle devint avertissement. Le pays qui avait donné la liberté au monde s’est depuis laissé vaincre par la servitude morale.

La descente aux enfers : quand la trahison devenue culture

Depuis 1806, Haïti vit dans la répétition d’un meurtre politique transformé en culture nationale.
Chaque fois qu’un dirigeant privilégie la corruption à la justice, chaque fois qu’un citoyen choisit le silence au lieu du courage, le geste de Pont-Rouge se répète.

L’assassinat de Dessalines n’est pas un fait clos, c’est une blessure ouverte. Tant que cette faute ne sera pas reconnue, aucune refondation politique n’aura de base morale solide. Haïti ne sera sauvé que le jour où elle demandera pardon à Dessalines. Non par culte, mais par lucidité.

Ressusciter Dessalines, un devoir de génération

Ressusciter Dessalines, ce n’est pas ressasser le passé. C’est réhabiliter l’exigence de vérité, de discipline et de dignité dans la vie publique. Ce devoir incombe à la jeunesse, appelée à rendre sens à la liberté héritée. Haïti ne renaîtra ni d’un décret ni d’une aide extérieure, mais de la conscience et de la responsabilité de ses enfants.

En ce 17 octobre, nous devons nous tenir symboliquement à Pont-Rouge, non pour pleurer un héros, mais pour comprendre une faute et raviver un idéal. Dessalines n’est pas tombé pour la gloire, il est mort pour la vérité. Et la vérité, aujourd’hui encore, nous convoque.

À travers le Réseau Citoyen Haïti à l’Unisson (RECHAU), nous faisons le serment de raviver le rêve dessalinien qui est d’éduquer, d’éveiller, d’unir afin que jamais plus un peuple libre ne devienne esclave de sa propre trahison.

Conviction
Intégrité
Patriotisme
Pour une Haïti nouvelle.

Dr Jean Gardy MARIUS
Coordinateur général de RECHAU
Le 17 octobre 2025